PERIODE DE 1875 A 1898

 

 

 

 

Le dirigeant : Henri Schneider

Le règne du second dynaste du Creusot (Henri), s'inscrit dans la continuité.

Dans cette fin de XIXième siècle, cet homme, affermit l'assise sociale de sa famille en la hissant, au gré des mariages de ses enfants, au rang des grands de ce monde.

Quant à l'entreprise du Creusot, menée par un directeur exceptionnel, Maurice Gény, elle se porte bien, malgré la crise économique sévère de 1882-1887 qui a, pour un temps, fait chuter l'activité d'environ 10%.

Cependant, la production de locomotives et de navires augmente.

Continuant l'élan donné par son père dans les années précédentes, Henri Schneider développera considérablement le secteur de l'artillerie et des blindages, à tels points que le Creusot deviendra un spécialiste mondial de l'armement et l'emportera souvent sur ses rivaux allemands et anglais.

De fibre moins politique que son père, Henri n'en poursuit pas moins la tradition publique héritée de celui-ci.

Mais, plus discret, il reste plus près de son "cher" Creusot pour y imposer, à une époque où le paternalisme triomphe, un encadrement social remarquable et souvent en avance sur son temps :

Les progrès réalisés vont longtemps laisser la marque d'Henri Schneider dans la ville de Saône-et-Loire, qui s'accroît au rythme de Schneider & Cie

 

 

A l'heure de la métallurgie moderne

Sous la direction d'Henri Schneider, l'usine du Creusot connaît un essor ponctué par de grandes réalisations sur tous les marchés où la firme s'est déjà imposée sous le règne d'Eugène Ier :

Mais l'usine doit déjà veiller à moderniser ses structures. Une des innovations les plus représentatives fut la construction à l'usine, du marteau-pilon le plus puissant de France ; il élargira ainsi les capacités de travail et de production des lingots d'acier.

Sur un autre plan, Le Creusot commence à s'intéresser au secteur naissant, bien q'encore marginal de l'appareillage électrique. En effet, l'électrification précoce de l'usine en 1895 représente un autre pas vers la modernisation des installations et vers la conquête d'un nouveau marché.

 

 

Les progrès des équipements

Les progrès des équipements industriels vont avec ceux de la métallurgie : l'aciérie Martin permet de présenter à l'exposition de 1878 un lingot de 120 tonnes, que le gros pilon peut façonner en éléments de gros canons et plaques de blindages de 60 cm d'épaisseur.

En 1895, l'aciérie Martin, encore modernisée, fournit des lingots de 150 tonnes ; ils seront comprimés l'année suivante par une presse hydraulique Whitworth de 10 000 tonnes, l'une des plus puissantes du monde.

De plus, la libération des exportations d'armement en 1884 et le développement des ateliers d'artillerie à partir de 1888, d'abord au Creusot, puis dans la région du Havre, permettent de vendre des quantités croissantes de ce matériel à l'étranger. Les usines du Creusot acquièrent notamment la réputation de "marchands de canons".

En effet, depuis 1873, les techniciens du Creusot ont apporté la preuve de leur savoir-faire en matière d'armement. Jusqu'à la mort d'Henri, Schneider & Cie étend ce nouveau marché dont l'entreprise avait repris la fabrication avec la guerre de Crimée en 1855. Les domaines de production d'artillerie se sont révélés être les blindages et les projectiles, partant du fait qu'il faut fabriquer des projectiles contre les blindages et inversement ; c'est donc un marché en pleine expansion, et Schneider peut exporter à l'extérieur des frontières avec par exemple le Mexique, le Pérou, la Perse, la Chine… mais aussi en Europe, en Autriche-Hongrie, en Italie, en Espagne et en Russie.

Le Creusot fait ainsi figure d'entreprise emblématique de la puissance française.

 

 

 

L'âge d'or de "l'économie sociale" & la cité construite sur mesure : "Schneiderville".

Bien que l'effectif de Schneider & Cie reste stationnaire de 1875 à 1898, il se situe longtemps autour des 10 000 employés avant d'atteindre les 14 000 en 1898.

La population du Creusot quant à elle ne cesse de croître : de 25 000 habitants en 1875, elle passe à 32 000 en 1898. La natalité y est plus forte qu'ailleurs. Rapidement, il s'organise un espace urbain original parce que, contrairement à d'autres grands sites industriels français, l'expansion ville-usine provoquée par l'activité n'est pas le fait d'un quartier déterminé, mais de la cité toute entière : "Schneiderville".

Le Creusot est sans doute la plus grande ville de France entièrement développée par l'industrie. Largement entamée sous Eugène Ier, les réalisations sociales en matière de logement s'accélèrent sous Henri, notamment par la construction de quartiers nouveaux et d'une façon générale, l'attribution de logements patronaux locatifs (logements dans de meilleures conditions) à prix réduits correspondent à une récompense sociale.

Le souci de Schneider & Cie est de s'attacher à une main d'œuvre venue du milieu rural par un développement contrôlé de la ville où l'utile est secondé par l'agréable.

Si le rôle du maître et maire du Creusot est bien d'accompagner l'extension de la ville, il en revient également à contrôler la vie publique. Les monuments érigés à la gloire de la famille Schneider sont là pour rappeler aux habitants tout ce qu'ils leur doivent.

Dans les années 1870, le système d'enseignement Schneider, mis en place lors du démarrage du Creusot, est entièrement rénové. Le principe d'enseignement Schneider est fondé sur quelques notions très simples et très modernes d'esprit : c'est l'égalité des chances pour l'accès à l'école.

De 1847 à 1853, après avoir étudie les écoles industrielles crées à Mulhouse, ont été établis de nombreux projets de perfectionnement du système existant au Creusot.

En 1875, alors que l'enseignement est totalement gratuit depuis déjà deux ans, les salles de classe y sont spacieuses et équipées du matériel le plus récent. De plus, alors que les écoles Schneider accueillaient 445 élèves en 1853, en 1878, plus de 6000 garçons et filles y suivent, de manière séparée, les cours de quelque 120 maîtres dans 82 classes. Parce qu'elles imprègnent les esprits de la mentalité Schneider, ces écoles du Creusot représentent le fondement même du système d'attachement des employés à l'usine : un bon exemple est une initiative de Nolet, véritable "ministre de l'éducation Schneider", qui a eu l'idée d'ouvrir une caisse d'épargne scolaire par laquelle les enfants se familiarisent utilement avec l'argent en apprenant à économiser.

L'apprentissage du métier en atelier représente un moment fort. Chaque promotion réalise en commun une maquette de machine, ce qui permet à la fois de souder la promotion et d'offrir un accès commode à l'esprit technique. Ce processus contribue à faire et à entretenir la haute réputation technique et la compétence des hommes du Creusot.

Par ailleurs, Schneider & Cie crée en 1910, une école polonaise destinée à accélérer l'intégration des ouvriers immigrés.

Dans le domaine de la protection sociale, l'hôpital de 1863 (qui ne compte pas plus de 30 lits !) et un second édifié en 1879 deviennent vite obsolètes pour une cité de plus de 30 000 habitants dans les années 1880. Ouvre alors ses portes en 1894 un Hôtel-Dieu de 128 lits dont le service médical est ultra moderne. Les ouvriers de l'usine, de même que leurs femmes et leurs enfants y reçoivent des soins gratuits. De plus, Schneider innove avec l'institution des allocations familiales en 1892. Pionnier en la matière, c'est le second établissement industriel français à se doter d'un tel système d'encouragement à la natalité.

La protection sociale, presque inexistante auparavant, fait des progrès considérables. En cas d'accident ou de maladie, l'usine verse à son salarié une allocation d'un tiers de son salaire journalier, et en cas de décès, la veuve ainsi que les orphelins reçoivent une pension. Le tout déjà géré par un système de cotisation de la part des salariés. Cette protection anticipe largement sur les accidents du travail dès 1898.

 

 

 


 

 

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