Histoire de la Machine

 

Machine de marque Piguet, horizontale, à tiroirs plans.

 

 

 

 

 

 

A l’origine… dans la Principauté de Monaco.

En 1888, pour la première fois, l’électricité apparaît à Monte-Carlo. Il est vrai que deux ans plus tôt un essai d’éclairage du Casino avait eu lieu à l’aide d’une machine Gramme. Mais la chaudière explosa et il y eut procès. C’est donc en 1888 que la SBM qui distribuait alors déjà de l’eau vers le Palais Princier et le Quartier de Monte-Carlo au moyen de trois pompes à vapeur composant ainsi l’usine de Marchesseaux, ajouta à l’ensemble des appareils existants une dynamo électrique.

Le journal de Monaco du 4 Décembre 1888 informe la population de l’installation d’un éclairage électrique au Casino illuminant la salle de spectacle et ses dépendances, les salons du Casino, le salon de lecture de l’atrium et la galerie. Le 16 Janvier 1889, l’éclairage peut fonctionner et c’est au premier semestre 1890 que les choses se mettent en place.

Dynamo de gramme

 

En 1890, trois semaines suffisent pour accepter une proposition de concession présentée par la Société Lombard Gerin. C’est donc le 15 Février 1890 qu’un contrat de service public d’une durée de cinquante ans est signé. Aucune administration, d’aucun pays ne serait aujourd’hui capable d'être aussi efficace.

La Société Monégasque d’Electricité est aussitôt constituée et ses statuts approuvés par une Ordonnance Souveraine du 15 Juillet 1890.

 

Par son contrat, la Société s’était engagée à construire une centrale électrique à Monaco. Ce sera l’usine de la Chiappaïra au chemin des pêcheurs " entre l’entrée des abattoirs et le déversoir des balayures ". Le prix de vente de l’électricité est fixé à 2 francs (2 francs or) le kWh. L’usine de la Chiappaïra, comprenant quatre groupes de 50 kW mus par une chaudière et des moteurs à vapeur, fut inaugurée par le Prince Albert 1er en 1892.

 

 

Durant la Belle Epoque, les ventes d’électricité se développent rapidement et le réseau de distribution s’étend. Le terrain de la Chiappaïra étant limité, le développement doit être recherché ailleurs.

La Société obtient la concession d’un terrain sur la plage de Fontvieille, au pied de l’actuel boulevard Charles III, alors en corniche de bord de mer. L'usine y est construite rapidement malgré les difficultés de fondation et le déferlement des vagues… elle est inaugurée le 28 Mars 1899 par le Prince Albert Ier. La puissance installée est de 1680 kW, l'équipe du service électrique dépasse 40 personnes et le prix du kWh est abaissé à 1.70 francs or. Les machines alors utilisées comme génératrice d'électricité ne sont autre que des machines à vapeur et plus particulièrement 4 machines de type Piguet horizontale, à tiroir plan,…l'histoire de notre machine commence. Ces machines furent commandées aux établissements Piguet à Lyon en 1898.

 

 

L’usine de Fontvieille

 

 

C'est en premier lieu la Société des Tramways qui, renonçant à la traction hippomobile, équipait en 1898 deux lignes à l'électricité : Monaco-Gare à Monaco-Ville et le Casino à Saint-Roman. Une génératrice à courant continu est, à l'usine de Fontvieille, affectée à cette exploitation. Cependant, la réelle efficacité de l'électricité n'est pas démontrée et les chevaux réapparaîtront en 1902 !

Ce sont ensuite les usines alimentaires, première vague de l'équipement industriel de la Principauté : chocolaterie, pâtes alimentaires et surtout Brasserie et Frigorifiques qui s'équipent. En 1900, un concurrent arrive face à la SBM qui détenait jusqu'alors le marché complet : c'est la EELM (Energie Electrique du Littoral Méditerranéen). Finalement, un commun accord permet de raccorder les deux réseaux : celui de la SBM et celui de EELM avec pour particularité une tentative de normalisation en courant triphasé 9800 Volts à 25 périodes (équivalent aux Hertz actuels). Il faut noter qu'auparavant, la SBM produisait à la fois du courant continu et du courant alternatif : du 25 périodes et du 50 périodes.

Notre machine continue donc à produire de l'électricité "en masse"…

 

 

Les premières lignes électriques aériennes

 

 

Les vides créés par les mobilisations, les difficultés d'approvisionnement en charbon et en pièces de rechange engendrent tout un cortège de défaillances techniques, de plans de restrictions qu'accompagnent de lourdes contributions financières à l'effort de guerre. C'est donc sans réserve de production que la centrale électrique de Fontvieille aborde la guerre 14-18.

Dès le début de la guerre, une série d'événements peu courants jusqu'alors vont apparaître : programme de révision d'équipements, révision des tarifs, discussions de financement, contestations avec les abonnés importants, amélioration du service,… Nous sommes à l'aube du XXième siècle et les questions essentielles apportées par la notion de capitalisme commencent alors à émerger dans la société.

 

A cause des émanations de fumée, le Prince de Monaco, à l'époque, avait souhaité changer ces machines polluantes pour la baie de Monaco et dont les cheminées ne faisaient qu'appauvrir le paysage. De plus, c'est une période de renouveau (vu au paragraphe précédent), il fallait donc rénover l'usine de Fontvieille avec des alternateurs beaucoup plus efficaces que des machines à vapeur coûteuses en entretien et des chaudières gourmandes en matière première.

 

 

L'une d'elle partira en France et plus précisément à Moulins dans l'Allier chez M. Gilbert Bonnichon où elle servira de génératrice pour sa scierie mécanique. Son démontage à Monaco ainsi que son remontage à Moulins seront effectués par les établissements Piguet qui l'avait fabriquée. M. Bonnichon la gardera jusqu'en 1930 soit une durée de 13 ans. Pendant cette période aucune archive n'a été retrouvé hormis une lettre datant du 5 juin 1917 du directeur de l'usine Piguet de Lyon adressée à la scierie mécanique, lettre établissant la fiche d'identité de la machine que M. Bonnichon vient d'acquérir.

 

En 1929, les établissements Piguet s'associent à la Société Franco-Tosi de Legnano en Italie. La nouvelle société s'appelle désormais "Dujardin & Compagnie".

 

Enfin, en 1930, la machine à vapeur sera rachetée par M. Emile Brunel qui tient une scierie à la Roche-en-Brénil dans le département de la Côte d'or. Comme pour le déménagement à Moulins, le démontage et le remontage furent effectués par le constructeur de la machine : Dujardin & Cie. Dès lors, un suivi plus approfondi de la machine sera effectué par l'Association Lyonnaise des Propriétaires d'appareils à vapeur. En effet, en consultant les multiples lettres ayant servi d'échanges pour fixer les rendez-vous de contrôle de chaudière, de commande de pièces de rechange ou d'amélioration de la machine, on s'aperçoit que la machine fut suivie jusqu'à son arrêt total en 1975.

C'est ainsi que l'on peut voir que dès son achat, M. Brunel a tout de suite cherché à améliorer les performances de sa machine en vue d'augmenter sa productivité. En effet, il demanda à Dujardin une nouvelle poulie de régulateur afin d'augmenter la vitesse de rotation ; ce changement lui coûtera 400 Frs. Après cette modification, sa tâche fut de fournir de l'énergie pour 5 scies dans la scierie de La Roche-en-Brénil.

 

Pendant les 45 ans qu'elle a passé à La Roche (abréviation utilisée par le journal local), trois conducteurs se succédèrent. Le premier fut M. Bazly puis M. Casaryl ; enfin, le dernier était surnommé "l'Auguste". De son vrai nom Auguste Salomon, il conduisit la machine de 1968 à 1975. La pièce dans laquelle la machine était installée était carrelée et ressemblait à une salle de bain comme nous l'a raconté M. Badet lorsque nous nous sommes rendus au Creusot ; de plus, Auguste caractérisait cette machine comme "un vrai bijou". Il semblerait donc qu'elle fut soignée et bichonnée comme un membre d'une famille. Une situation totalement différente de celle dans laquelle nous l'avons découvert pour la première fois !!!

 

Quelques modifications tardives se firent par la suite. Pendant 4 ans, de 1952 à 1956, elle fut en arrêt pour révision ou chômage (aucun document nous le précise). En conséquence, lors de sa remise en marche en 1956, il fallut nettoyer les tuyaux d'eau de la chaudière. Ce nettoyage à l'aide de phosphate trisodique fut réalisé par l'entreprise Dujardin & Cie. Sans doute à cause de son grand âge ou d'un arrêt trop long, M. Brunel fut contraint à acheter un anti-tartre électronique à la société Barbotte & Cie en 1965 (Paris XIX°). Dès lors, l'électricité et l'électronique commencent à rentrer dans les mœurs de la scierie qui se trouvait pourtant fière de sa machine à vapeur !

 

Finalement, ils en arrivèrent à la conclusion que la machine était démodée et ne répondait plus à leur demande.

En 1972, la scierie change de propriétaire. Elle avait été créée en 1893 par Paul Brunel qui était alors charpentier à La Roche-en-Brénil. Exploitée et développée par ses descendants durant 79 ans, elle sera vendue au groupe Ducerf résident à Charolle en Saöne-et-Loire. Afin de moderniser l'usine, la société décidera de remplacer la vapeur par l'électricité.

La machine à vapeur devenu inutile est laissée à l'abandon, puis, devenant gênante, il fut décidé de la détruire.

 

 

Heureusement !!! En 1977, l'écomusée de la communauté du Creusot décida de la racheter. La scierie lui vendit donc pour une bouchée de pain.

Le problème était de démonter la machine et de la déplacer ailleurs. Une entreprise spécialisée dans le démontage des vieilles machines fut trouvée. Mais, nouveau problème : pour enlever la machine de son lieu de résidence, il fallait détruire un mur et une toiture qui avaient été construits autour de la machine lors de son installation en 1930 et bien évidemment les reconstruire après. Faute de moyen suffisant, le musée ne put la déplacer.

 

 

En 1994, la scierie décida de détruire le bâtiment dans lequel la machine se trouvait ; plus besoin de reconstruire ni le mur ni la toiture. Petite histoire de la scierie : avec près de 65 ouvriers, elle produisit (en 1993) 10 000 m3 de grumes dont 90 % de chênes. Afin d'augmenter encore sa productivité, il fallait gagner en place et construire de nouveaux bâtiments plus modernes et plus conformes aux normes de sécurité. Le problème des murs résolu mais les finances du musée demeurant identiques à celles de 1977, il fut décidé que le propre personnel du musée assure le déménagement. C'est ainsi que les lundi 2 et mardi 3 mai 1994, quatre employés du musée allèrent démonter la machine dont M. Badet qui nous a donné tous les documents qu'ils détenaient lors de notre séjour au Creusot. Pour les aider et les conseiller, Auguste était là.

 

La machine démontée et enlevée par l'entreprise de levage Renaud de Saint-Brancher (89), fut dès lors emmenée dans les réserves du musée du Creusot.

 

 

Depuis 5 ans, la machine à vapeur, maintenant surnommée la "Roche-en-Brénil", y repose en paix, inerte. La réserve dans laquelle elle se trouve n'est autre qu'un des multiples bâtiments fabriqués sous l'Empire Schneider.

 

Extrait d’un catalogue de vente où il est possible de voir ici une machine à vapeur horizontale à tiroirs plans.

Peut-être notre machine ?

 

 


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