Caractéristiques techniques et fonctionnement général

 

 

La série de remarques ou de questions qui suivent vont nous permettre de mieux cerner le fonctionnement d'une machine à vapeur et principalement la machine que nous avons étudiée   la 40*80 T.P. n°135 de marque Piguet.

 

 

 

 

 

 Pourquoi est-elle horizontale ?

Les premières machines à vapeur qui furent construites étaient des machines verticales. Le système bielle piston étant positionné verticalement. L’augmentation de la puissance demandée aux machines à vapeur a eu pour conséquence directe le rallongement de la bielle et donc de la hauteur de la machine. Bien que présentant un encombrement réduit, ces machines présentaient de plus en plus de problème pour leur positionnement et certainement des problèmes mécaniques importants. Deux solutions se présentaient aux ingénieurs :

 

 

 

Différence entre une machine verticale et une machine horizontale

 

 

 

 Hypothèses sur l’implantation dans la scierie

 

Pendant notre visite au Creusot, nous avons trouvé des plans sur les bâtiments destinés à accueillir la machine à vapeur dans la scierie de La Roche en Brénil. La machine présente des dimensions suffisamment grandes pour obliger la scierie à adapter toute une partie du bâtiment à celle-ci. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le système piston-bielle-volant n’est pas la partie la plus encombrante, c’est la chaudière qui prend le plus de place. En effet, le réservoir d’eau mesure 5.80 m de hauteur et 5.20 x 2.73 m de surface. Le foyer de la chaudière est situé en dessous de celle-ci. Il mesure 1.50 m de haut pour une surface de 1.72 x 1.60 m. La chaudière est posée à même le sol et le foyer est enterré sous le réservoir.

Le système piston-bielle-volant mesure 4.40 mètres de largeur, 6.40 mètres de longueur pour environ 4.20 mètres de hauteur. Pour pouvoir fonctionner correctement, le système piston-bielle-volant doit se trouver au-dessus de la chaudière, ce qui implique une disposition spéciale de la machine dans l’usine. La chaudière étant située au niveau du sol, cette partie de la machine à vapeur sera donc installée au minimum à une hauteur de 6 mètres.

Cliquez sur le plan pour l'agrandir.

Exemple de plan d'implantation.

 

 

 Les particularités de notre machine

 

Le catalogue émis lors de l’exposition universelle de 1900 nous montre que la machine de Piguet (référence 40*80 TP) était très innovante par sa technologie. En effet, Piguet avait réussit à allier deux principes sur une seule machine. Alors que les autres constructeurs évoluaient vers des machines à plusieurs cylindres, Piguet trouvant les performances de ces machines pas aussi satisfaisantes que les monocylindres avait décider de garder cet ancien système. Pourtant il utilisa un distributeur normalement employé sur des machines à plusieurs cylindres : le système à tiroirs plans. Grâce à ce compromis entre deux générations de machines, il réussit à obtenir une machine très souple, adaptable à diverses puissances, très facile à faire fonctionner et qui demandait très peu d’entretien.

 

Le système à tiroirs plans apporte beaucoup d’avantages à notre machine. Bien que très simple, ce système admet assez facilement de grandes vitesses de fonctionnement et supporte aisément de grandes pressions d’admission. Etant un système interne et non accessible pour le mécanicien, cet organe de distribution ne nécessite aucun réglage, contrairement aux distributeurs à déclics qui nécessitent une grande attention de la part du mécanicien en phase de fonctionnement de la machine. Enfin le système ne réclame aucune articulation. Ceci est un grand avantage car les articulations soumises aux frottements nécessitent des systèmes de lubrifications automatiques, et doivent être très régulièrement remplacées. On s’aperçoit assez rapidement que les tiroirs plans offrent autant si ce n’est plus d’avantages que les autres distributeurs comme les distributeurs à déclics ou rotatifs, et qu’ils apportent beaucoup moins de contraintes. C’est à l’évidence la meilleure technologie du moment.

 

Afin de pouvoir augmenter la puissance de leurs machines à vapeur, les constructeurs se sont tournés vers des technologies utilisant plusieurs cylindres. Soit en couplant deux cylindres différents sur le même volant (tandem) , soit en utilisant une seconde fois la vapeur collectée à la sortie d’un piston environ comme un turbocompresseur (compound). Pour l’époque, ce sont des technologies très révolutionnaires, et tous les constructeurs sont persuadés d’avoir trouvé la meilleure solution. Pourtant, la machine monocylindrique de Piguet rivalise avec les machines de la nouvelle génération à plusieurs cylindres.

Elle est capable de fournir la même quantité d’énergie que ces nouvelles machines ; et ce, sans de grosses pertes de rendement, à condition de lui fournir de la vapeur sous une pression suffisante. De plus, en basse puissance elle reste tout aussi compétitive que les petites machines. On peut donc voir que contrairement aux autres machines multi-cylindriques, la 40*80 TP de chez Piguet n’est pas limitée à fournir une seule et unique puissance. Ainsi, elle a pu tout aussi bien produire de l’électricité de l’énergie mécanique pour les scieries.

La juxtaposition de deux des solutions technologiques en usage (mono-cylindre et tiroirs plans) permit de construire une machine à vapeur innovante tant au niveau technicité qu’au niveau coût. En effet, Piguet réalisa une machine souple et économique :

 

Nota : la chaudière est dite anti-explosion mais aucun document nous permet d’expliquer comment cette norme de sécurité a été réalisée. Cependant, il paraît évident que M. Brunel acquerra cette chaudière pour éviter tout risque de feu dans sa scierie. Il semblerait qu’elle fut installée en 1930, tout comme la machine. Au niveau sécurité, il faut savoir que les chaudières étaient testées à 5 fois la pression de fonctionnement et les pistons à 3 fois leur fonctionnement usuel. Autant dire que toutes les conditions étaient réunies pour éviter au maximum les accidents.

 

 

 

 

 Pourquoi le système des tiroirs plans ? Qu’est-ce qu’un tiroir plan ?

 

Une machine à vapeur fonctionne grâce à un système de piston coulissant dans un cylindre. La vapeur chaude provenant de la chaudière rentre dans le cylindre étanche et appuie sur la surface plane du piston. Le problème qui s’est posé aux inventeurs des machines à vapeur fut de trouver une solution pour pouvoir diriger la pression d’une chambre à l’autre, afin d’exercer un effort dans les deux phases du piston. En effet, les machines utilisant un système bielle-manivelle ont besoin de la force de la vapeur à l’aller et au retour du piston. Le principe pour faire avancer le piston est simple : l’eau a été transformée en vapeur. Or, comme le montre le dessin ci-dessous, les molécules formant l’eau, lorsqu’elle sont à l’état de vapeur deviennent instables et bougent sans cesse. Leur but est d’occuper le maximum d’espace car ici elle n’ont pas de place pour bouger. Elles vont donc pousser tous les obstacles qu’elles rencontrent sur leur passage et le seul objet mobile est le piston. Elles vont donc pousser le piston mais la température du milieu va baisser car les molécules en poussant le piston ont cédées de l’énergie : et la vapeur va redevenir de l’eau.

Glace

Eau

Vapeur

 

 

Le système piston-bielle-volant

 

Cette solution technologique du piston bistable nécessite donc un appareil qui peut aiguiller la vapeur d’une chambre à l’autre du cylindre en fonction de la position du piston. Le dispositif à tiroirs plans qui équipe notre machine est l’organe qui remplit cette fonction. C’est ce que l’on appellerait plus communément aujourd’hui un distributeur. Le dispositif présente une entrée et deux sorties de puissance. La première entrée est reliée à la chaudière, elle reçoit la vapeur chaude sous pression. Les deux sorties sont reliées à chacune des deux chambres du cylindre. La vapeur est distribuée de manière alternative entre les deux sorties. " l’aiguillage " de la vapeur est effectué par un système de tiroirs qui en coulissant obstruent l’une ou l’autre des sorties. Le dessin ci-dessous détaille les différentes phases de fonctionnement d’une machine à vapeur.

 

 

 

 

Les tiroirs plans

 

 

Ces tiroirs sont mis en translation par des tiges extérieures au système. Le premier tiroir règle l’admission et la compression de la vapeur, il est dirigé par une tige qui est dépendante par excentricité de la position du volant d’inertie et donc de la position du piston dans sa chambre. Le deuxième tiroir a une fonction de fermeture sur l’arrivée de puissance en vapeur. Il est lié à un système appelé limiteur. C’est un dispositif entraîné par le volant d’inertie fonctionnant en corrélation avec la gravité et l’inertie donnée par la vitesse de rotation de poids internes à ce système. Ceci permet de donner à une tige une position proportionnelle à la vitesse de fonctionnement de la machine. En fonction de la vitesse atteinte par le volant cette tige commande donc le second tiroir et obstrue plus ou moins l’arrivée de vapeur.

 

 

 

Etat du régulateur en 1930

Etat du même régulateur en 1999

 

 

Etat du volant en 1930

Etat du même volant en 1999

 

 

Par ailleurs, le volant, grande roue fixée sur l’arbre de distribution de l’énergie mécanique, a pour effet de conserver de l’énergie cinétique et donc ainsi créer un mouvement de balancier qui permet de conserver un mouvement de rotation constant. Si celui-ci n’était pas là, on aurait un mouvement oscillatoire. Les photos ci-dessus permettent de comparer les deux éléments décrits précédemment : à savoir le limiteur ou aussi appelé régulateur et le volant. Les photos en noir et blanc sont de très mauvaise qualité car elles sont les copies d’un négatif. Celles-ci ont été réalisées en 1994 avant de démonter la machine à vapeur. Or la machine n’a pas été bougée depuis 1930, on peut donc assimiler ces photos aux années 30 et les comparer à celles que nous avons prises dans la réserve de l’écomusée du Creusot donc en 1999. Il est ainsi possible de constater que la machine est dans le même état : peut-être un peu plus vieilli sur les photos couleurs…

 

 

 

 

 

Les différents éléments constituants une machine à vapeur (la chaudière n’est pas représentée ici).

 

 


Retour au sommaire